De l’emblème rutilant des capacités d’une industrie qu’il était au moment de son installation à Paris en 1954, la construction de Jean Prouvé devient maintenant le symbole de la réussite possible d’une politique de préservation et de valorisation de l’architecture du XXe siècle.
Un voyage
À Paris, en 1954, la galerie est installée le long de la Seine et permet au visiteur de découvrir, après un hall d’accueil, une usine où sont présentés les techniques et procédés de fabrication qui transforment l’aluminium et ses alliages en produits finis ou semi finis. Plus que jamais, Jean Prouvé conjugue dans une construction, l’élégance des solutions techniques à toutes les échelles1 . Chaque pièce témoigne d’une parfaite adaptation et intègre, dans sa forme, le processus menant de sa fabrication au montage. Vingt et un jours suffisent pour édifier la construction. Prévu initialement pour être utilisable dans d’autres circonstances, le bâtiment est remonté à Lille, sur le site de la Foire internationale, en 1956. Transformé pour satisfaire aux nécessités d’extension d’un hall existant, le pavillon devient une façade d’apparat, déployée en équerre. Cette opération a aussi plongé l’édifice dans un oubli durable et un anonymat garanti.
Les dernières années du pavillon contiennent tous les ingrédients d’une probable mise à la ferraille, plus que ceux d’un sauvetage ou d’une restauration : le pavillon est victime des contingences au point d’être recouvert d’un bardage dans les années 80, administrativement estampillé au rang du patrimoine par une inscription à l’Inventaire en février 1993, matériellement sauvé et démonté en juillet 1993 par André Lannoy, l’entrepreneur qui l’avait remonté à Lille en 1956. Le démontage, au fur et à mesure de la dépose des éléments qui l’avaient parasité, est aussi le moment privilégié de la découverte progressive des qualités de l’édifice2 . Les éléments du pavillon sont ensuite stockés à Marquette-lez-Lille pendant plus de cinq années. Une longue série de propositions de réutilisation, timides ou velléitaires, n’aboutissent pas. Les trois travées présentées au centre Georges Pompidou pour l’exposition “L’art de l’ingénieur” du 25 juin au 29 septembre 1997, n’ont pas signifié, pour une fois, l’entrée au musée lapidaire où se rangent si fréquemment les constructions de Jean Prouvé. Malgré l’absence totale d’information sur la situation matérielle de l’édifice, dont les composants sont alors entassés, la présentation a été une découverte pour les amateurs, les spécialistes et tous ceux dont le réveil tardif a quand même créé les conditions d’un remontage. Après un permis de construire déposé le 19 février 1999, le Pavillon du centenaire de l’aluminium est remonté à la fin de l’année 1999, à Villepinte, dans le cadre de l’extension du parc des expositions de Paris-Nord. La récupération systématique des composants, ou des parties de composants utilisables, et la simplicité des solutions adoptées ont été manifestement favorables à la lisibilité des interventions et à la préservation de l’intégrité d’un édifice promis, au mieux, il y a quelque temps à un recyclage industriel. Les architectes et le maître d’ouvrage3 ont adopté une solution qui limite les adaptations normatives, malgré les réticences des bureaux d’étude dont les marges de sécurité technique entraient en conflit avec le caractère de la construction et l’esprit de son concepteur. Le pavillon reste cependant ce qu’il a toujours été : un hall d’exposition, vaste volume à l’abri de la pluie et du vent, mettant à disposition des exposants son système de structure simple et intelligent.
Un cas d’école
L’histoire récente du Pavillon du centenaire de l’aluminium pourrait bien être un cas d’école pour les questions que soulève le devenir de certaines architectures de la seconde moitié du XXe siècle. Démontable, répétitif, léger, transportable, il accumule quelques-unes des “tares” qui ont paradoxalement rendu possible le sauvetage et le renouvellement de sa valeur d’usage. Sa mobilité, à l’origine de l’oubli et du manque de considération dont il a fait l’objet pendant des années, est devenue un atout déterminant pour son transport et sa réutilisation. L’évocation du déplacement du périmètre de protection attaché au bâtiment, depuis son inscription à l’Inventaire, représente un curieux cas de mobilité administrative. Mais on pourrait évoquer aussi l’étonnante difficulté à faire prendre conscience de la valeur irremplaçable des pièces d’origine. L’absence des panneaux de façade, volés pendant le stockage à Villepinte, explique en partie l’allure de la façade principale. La tentation d’associer le Pavillon à une transparence ostentatoire au goût du jour est sans doute aussi en jeu dans cette disposition qui peut amener le visiteur du Pavillon actuel à surévaluer la dimension structurelle au détriment de sa dimension plastique. Il faut espérer que la présence de la société Péchiney et de l’Institut pour l’histoire de l’aluminium, au moment de l’inauguration, est le signe annonciateur d’une seconde phase de restauration. La restitution de cette dimension plastique, la brillance originelle et la fabrication de panneaux font en effet partie de ces “détails” que le talent d’un restaurateur de voiture n’aurait, à coup sûr, pas laissés de côté.
Richard KLEIN
Architecte
- Le Pavillon de l’aluminium et son histoire mouvementée sont l’objet d’un article détaillé de Richard Klein et Axel Vénacque, paru sous le titre le Pavillon de l’ Aluminium, un patrimoine vernaculaire, in Monumental n° 1, mai 2000. ↩
- Une expertise, commandée par la ville de Lille, Aluminium Dunkerque et Péchiney Aluminium, avait été réalisée au préalable pour évaluer l’état du bâtiment, définir un mode opératoire de démontage et de stockage et estimer le coût de l’opération (Expertise du Pavillon du Centenaire de l’Aluminium de Jean Prouvé - Paris 1954, Lille 1956, J.F Archiéri, B.Grafteaux, KR. Klein, A. Vénacque, juillet 1993). ↩
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Maître de l’Ouvrage : SIPAC ;
Utilisateur : SEPEPNV ;
Architecte : Architecture Studio ;
Bureau d’Étude technique : SEÉTAE ;
Bureau de contrôle : AFITEST ;
Hygiène et sécurité : SOCOTEC ;
Conseil : Richard Klein et Axel Vénacque.
Entreprises : VRED
Gros Œuvre : Gagneraud/Sarcelles ;
Charpente SAM + OMR/Savigny-sur-Orge ;
VMC-Plomberie : Ravelli et Cie/Paris ;
Électricité : Phibor/Rungis ;
Menuiserie-Agencement : SCBA/Le Mans. ↩